deuxième Extrait


.Sébastien - Arrêtez de vous plaindre, il y a plus grave.

Elsa - Qu’est-ce qui pourrait y avoir de plus grave, voulez-vous me
le dire ? Je me suis engagée à récupérer ce sac, j’ai promis à
Guillaume de faire le maximum pour cela. Il faut absolument que je
tienne parole, c’est impératif, m’avez-vous bien compris ? Alors,
grouillez-vous de me dénicher une solution afin que je puisse au plus vite remuer les mains, car sans elles, je suis dans l’impossibilité
d’agir… Sébastien, si un moment donné dans votre petite vie de
pauvre rien vous devriez avoir une lueur d’intelligence, c’est
maintenant ou jamais.

Sébastien - Arrêtez-vous de parler ! Il y a un singe qui me ronge le
scotch.

Elsa - Vous êtes sérieux ?

Sébastien - Tout ce qu’il y a de plus sérieux.

Elsa - Mon dieu que c’est adorable ! Il doit se souvenir que c’est
moi qui l’ai libéré… Où est-il, je ne le vois pas ?

 Sébastien - Vous allez-vous taire ! Vous voulez qu’il se sauve sans
finir son travail ?

Elsa - J’adore ces petites bêtes, elles sont si gentilles… Avez-vous
déjà observé leur frimousse ?

Sébastien - Hein ?… Vous pouvez répéter, je ne vous écoutais pas, je pensais à quelque chose.

Elsa - Vous n’écoutez jamais quand on vous parle ?

Sébastien - Si, bien sûr ! J’ai eu, juste un court moment d’absence, j’ai le droit tout de même, non ?… Vous n’êtes pas le nombril du monde.

Elsa - Qu’est-ce que vous avez dit, Sébastien ?

Sébastien - Rien, continuez.

Elsa - Je disais donc, avez-vous déjà fait attention à leurs bouilles ?

Sébastien - Il m’a libéré ! Ouais, ouf ! Enfin libre. Incroyable comme cela peut être agréable.

Elsa - Très bien, à présent, remerciez le singe et dépêchez-vous de
venir me libérer à mon tour, afin que je puisse m’en rendre compte
moi-même.

Sébastien - Tu as entendu, mignon sinsinge, détache la demoiselle,
c’est à son tour… Voyons ! Encore un petit effort, n’oublie pas que
c’est cette dame qui t’a sorti de prison.

Elsa - Vous êtes idiot Sébastien ?… Ce n’est pas vrai ! Vous n’allez
pas me dire que vous êtes autant abruti que ça ? Vous ne pensez pas
que cela serait plus rapide de le faire vous-même, maintenant que vous vous êtes débarrassé de vos liens ?

Sébastien - Faire quoi ?

Elsa - A y est, il joue au con !… Qu’est-ce qui ne va pas, je vous ai
contrarié ? Qu’est-ce que j’aurais pu vous dire de déplaisant ?…
Répondez vite et activez-vous, je n’ai pas que ça à faire. Qu’est-ce que vous pouvez être pénible ! Pouf !… Où allez-vous, vous n’oubliez pas quelque chose ?… Et puis cassez-vous que je ne vous voie plus !

Sébastien - Vous allez comprendre ce que c’est que de rester planté là, tout seul dans le noir, à la merci de tout au fond de cette forêt perdue. Vous vous souvenez que c’est le sort que vous m’avez réservé ?

 Elsa - Ouais c’est ça, barrez-vous ! Vous me soûlez, j’en ai ma
claque de vous entendre caqueter. J’espère que vous allez rencontrer le diable sur votre route... Allez ! Allez ! Allez du ballai !

Sébastien - Le plus pénible ce sont les fourmis. Elles vous grimpent
dessus sans tarder et quand elles arrivent sur votre visage, croyez-moi, c’en est vite déplaisant. Vous aimeriez les enlever avec vos mains, mais n’en ayant pas la possibilité, il vous faut alors tordre le nez et la bouche dans tous les sens puis souffler sur vos joues et vers le front en exécutant d’horribles grimaces, pour espérer en faire tomber quelques unes… Seulement cela ne suffit pas, elles sont bien trop nombreuses et vous ne vous faites plus aucune illusion, vous comprenez qu’il vous sera impossible d’empêcher ces petites choses de gambader à leur guise sur votre figure. Elles profitent de votre handicap, abusent de votre gentillesse et sans scrupule s’infiltrent dans vos orifices, narines, oreilles et même les yeux et là… la gratouille devient insupportable. Mais vous êtes seul, il n’y a personne pour vous porter secours et vous n’osez pas crier de peur qu’elles vous rentrent dans la bouche, bouh ! J’en ai encore des frissons, c’est horrible. Je vous plains. Soyez forte,
comme je l’ai été… A la prochaine, Elsa.

Elsa - Pauvre type, déchet de cette société merdique, je vous
emmerde gros connard, vous puez l’enfoiré, cassez-vous petite bite.

Sébastien - Qu’est-ce que vous dites ? Je suis déjà loin et je ne vous
entends plus très bien, parlez plus fort s’il vous plaît.

Elsa - Je dis : allez vous faire démonter le derche ! M’avez-vous
bien entendu à présent ou aimeriez-vous que je le répète un ton plus
haut ?… Allez-vous faire bourrer le fouèndé à sec ! Je m’éclate de rire rien qu’en vous imaginant à quatre pattes en train de vous faire
bousculer le cul, le slip descendu sur vos mollets de coq avec un gros sguègue énergique entre les fesses. Qu’est-ce que je me 
marre ! Sébastien, allez-vous faire défoncer l’anus ! Voilà ce que je vous dis, vous avez capté, là, ou dois-je parler encore plus fort, Sébastien ?

Sébastien - Non mais ! Vous êtes malade ou quoi ? Vous êtes
sacrément dérangée. Moi qui pensais que cela s’arrangerait avec le
temps, j’en doute sérieusement à présent. C’est de pire en pire, vous êtes marbrée de naissance et irrécupérable.

Elsa - Le voilà revenu ! Il a eu peur que j’ameute les foules avec
mes braillements et que tout le monde découvre qui il est vraiment.
C’est ça, hein ? Eh bien il a eu raison le garçon parce que je n’avais
pas l’intention d’en rester là. Je vous préviens Sébastien, si vous ne me détachez pas immédiatement tout de suite illico presto, je vais
m’époumoner à hurler des insanités immondes que vous n’avez
sûrement encore jamais entendues et vous allez éprouver du repentir, je vous le certifie, de ne pas m’avoir libérée plus tôt.

Sébastien - Je suis outré, vidé, sidéré et complètement anéanti. J’ai du mal à m’expliquer ce comportement satanique qui vous anime. Mais quel traumatisme avez-vous pu endurer dans votre vie pour que vous en arriviez à ce stade démoniaque ?

Elsa - Le pauvre coco ! Je crois que je l’ai froissé et je crois qu’il ne
va plus pouvoir s’en remettre. C’est dramatique ce qu’il vient de vivre. J’ai touché son amour-propre, ma pauvre chatte !… J’ai dit tout ça pour vous faire chier Sébastien, en agissant de cette façon je savais que vous alliez être choqué et que vous alliez très vite revenir sur vos pas, comprenez-vous ? J’ai compris assez tôt en observant vos manières, que vous avez dû souffrir, sûrement pendant de longues années, d’une éducation despotiques, cloîtré dans une maison bourgeoise. Et j’en ai profité. C’est tactiquement stratégique. Vous n’êtes qu’un petit prétentieux qui aime s’admirer marcher avec un bâton entre les cuisses. Pauvre Sébastien ! Et vous osez me critiquer, non mais regardez-vous !… Donnez-vous des sous aux malheureux qui tendent la main dans la rue ? Quelle question ! Bien sûr que non ! Pour vous ce ne sont que des miteux fainéants, des fauchés qui puent de la bouche, des crève-la-faim sans tune. Vous n’aimez pas voir la misère et sentir la puanteur de ce monde pouilleux, n’est-ce pas ? Alors, vous vous bouchez le nez et fermez les yeux. Vous êtes avare, serré, pingre, plus radin qu’un radin... Et ne pensez surtout pas, vous autres, que ceci empêche monsieur de s’amuser, non ! Il n’en est rien. Le bonhomme
ici présent participe à des soirées V.I.P où tous les invités donnent
l’impression de se connaître et de s’apprécier, mais où en vérité
personne ne s’aime et ne s’apprécie. Tout ce beau monde
champignonne près des tables de cérémonie copieusement garnis de
petits fours, là, que pour profiter, se montrer et se moquer. Et monsieur noctambule est content de sa sortie ! Vous entraînez notre monde vers la ruine, le déclin, la décadence, Sébastien. Tout s’écroule autour de vous, des gens meurent de ne rien avoir, des humains irresponsables et stupides bouffent, exploitent, torturent et tuent les animaux, la nature s’étouffe en respirant toute cette pollution écœurante et vous, vous qui ne manquez de rien, vous ne vous rendez même pas compte qu’il vous manque pourtant l’essentiel. La bonté, la générosité, la déférence et l’intelligence. Je vous le dis tout haut, Sébastien, vous sentez le ranci à plein nez … Vous pouvez déguerpir de là à présent et me laisser, je ne veux plus vous voir, prenez le large et ne revenez plus. Vous m’avez
bien compris ? Vous n’êtes qu’un sale critiqueur naïf, hors de ma vue ! Je me détacherai toute seule, je n’ai plus besoin de vous.

Sébastien - J’avais raison, vous êtes abominablement perturbée. Je ne sais pas où vous avez pu aller chercher toutes ces sottises. Est-ce que réellement vous pensez tout ce que vous venez de vociférer ? Vous devriez faire du théâtre, vous êtes une sacrée comédienne… Moi aussi j’ai parlé pour vous faire chier, Elsa. Je ne suis pas timbré comme vous l’êtes…

Elsa - Vous me pompez, foutez le camp de là !

Sébastien - Je n’avais pas l’intention de vous laisser dans ce coin
perdu, seule et attachée. J’ai un cerveau qui fonctionne correctement, moi...

Elsa - Ne me faites pas rire !

Sébastien - Je connais les risques que cela comporte d’abandonner
quelqu’un ici, ficelé, à la merci de n’importe quel débile qui passerait par là… Éloignez vos mains de l’arbre, que je puisse vous couper ce scotch sans vous faire de mal… Encore un peu, ce n’est pas suffisant.

Elsa - Ça va Sébastien ! Ne soyez pas irritable. Je viens de vous
dire que c’était stratégique… Aïe ! Faites gaffe avec votre galet ! Vous venez de me râper le poignet.

Sébastien - Heureusement que je n’essaie pas de vous couper ce lien avec un galet, si tel était le cas vous ne seriez pas près d’avoir les mains libres.

Elsa - Peu importe, faites attention quand même… Eh bien, ce n’est
pas trop tôt ! Vous avez été vachement long.

Sébastien - Vous le connaissez ?… Le type qui nous a ligotés.

Elsa - Non, il me suit depuis un certain temps, c’est tout ce que je
peux vous dire.